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Michel-Ange, dessins de visages

Thursday, March 26, 2015

Suite à mon précédent article sur la recherche de l'esprit du Quattrocento, je continue à travailler les visages en me focalisant sur le rendu des expressions en essayant de rester fidèle à l'original et en me focalisant sur ce qui fait l'unicité du courant toscan de l'art de la première renaissance italienne : langueur, douceur et grâce.
Je m'attache aussi à bien observer comment les artistes du Quattrocento s'évertuaient à insister sur le relief du visage dans les dessins préparatoires à leurs peintures. J'expliquais dans le dernier article comment la sculpture joue un rôle primordial dans l'art pictural de la renaissance, en relatant par exemple qu'un des exercices de l'apprenant dessinateur était de faire des dessins de sculptures.
D'après Michel-Ange, Sibylle de Delphes détail - crayon de couleur
(Marc Charmois étape intermédiare - 2015-03-26)
D'après Michel-Ange, Sibylle de Delphes - crayon de couleur
(Marc Charmois - 2015-03-27)

J'ai repris à nouveau la Sibylle de Delphes de Michel-Ange, peinte sur une des voûtes de la chapelle sixtine. Je l'ai fait pour plusieurs raisons :

Dans ma précédente version du dessin de la Sibylle de Delphes j'avais un cadrage large et on voyait les personnages en arrière plan à côté de celui de la Sibylle. Bien que le dessin était sur un format assez grand (presque un A3), la surface réservée au visage était assez réduite et je n'ai pas pu rendre ce que j'aurais voulu sur un format de cette taille. Il me manquait de la précision. J'ai donc repris le dessin du visage sur un format plus grand et sur un meilleur papier qui me permette de gommer à volonté sans abimer irréversiblement le papier.

Dans ma précédente version, j'ai, pour le visage, utilisé plusieurs crayons de couleurs en essayant de me rapprocher des couleurs de la peinture, tout en restant modéré dans le choix des couleurs pour que le dessin reste à l'état d'étude et ne soit pas trop proche du rendu de l’œuvre de Michel-Ange.
Pour cette version, je suis allé plus loin, j'ai travaillé avec un seul crayon, pour que cette version ressemble vraiment à une étude, un dessin préparatoire pour une peinture comme le faisaient les artistes de la renaissance.
Je projette d'ailleurs de reprendre plusieurs œuvres peintes par Michel-Ange ou d'autres artistes de la renaissance et de refaire cet exercice de recréation du dessin préparatoire qui a disparu depuis.

J'ai eu beaucoup de plaisir à retravailler cette version du visage de la Sibylle de Delphes. J'aime ce visage de Michel-Ange et je ne suis pas le seul artiste aux vues des nombreux essais de reproduction que je peux voir sur Internet.
C'est un des seuls visages de Michel-Ange à ma connaissance qui se distingue pas cette douceur, cette candeur. D'habitude Michel-Ange c'est la "terribilità" et Raphaël, la "maniera dolce", mais avec ce visage, on dirait que Michel-Ange a fait du Raphaël.
D'autre part, ce qui me fascine dans ce dessin, c'est comme je le disais précédemment la complexité de l'expression. On ne sait pas trop bien si la Sibylle est intriguée, ou agacée, ou inquiète. On ne sait pas très bien si sa bouche sourit ou si elle exprime l'étonnement ou la contrariété.
Essayer de rendre ceci dans la copie de la peinture était un défi.




Auparavant, j'avais reproduit cette esquisse de Michel-Ange. Je n'ai pas réussi à retrouver dans quel musée se trouve l'original. C'est un dessin attribué à Michel-Ange que je trouve souvent sur Internet et qui est censé être une des œuvres des premières années.

Comme souvent avec Michel-Ange le personnage est robuste, compact, râblé, comme prévu pour être taillé dans le marbre. Quand je recopie un Michel-Ange, je l'allonge systématiquement. J’élonge les lignes et les formes.

J'aime beaucoup l'original, l'harmonie des courbes, comme elles répondent les unes aux autres. J'aime aussi beaucoup comme il a stylisé la bouche. Comme dans d'autres dessins de Michel-Ange, on retrouve la complexité de la coiffe.

Contrairement à la Sibylle de Delphes, le précédent dessin, on retrouve plus la "terribilità" dans ce dessin, la mise en avant de la structure de la tête, du cou, les contrastes entre les parties sombres et lumineuses. Plus que la Sibylle, ce dessin invoque et évoque la sculpture.

Malgré tout, j'ai essayé dans le dessin de la Sibylle de Delphes, quoique tout en douceur de me focaliser sur le relief, l'aspect sculptural du visage. C'est pour cela que j'ai choisi le monochrome. Je n'y serai peut être pas parvenu si je n'avais fait ce dessin avant.

Le dessin et l'idée

Sunday, February 22, 2015

Je vole le titre de cet article à Martine Vasselin1, je n'ai pas trouvé mieux pour exprimer ce qui rend l'art de la renaissance si différent, si particulier, et qui explique pourquoi cet art continue de fasciner les foules encore aujourd'hui, et ce, plus que jamais.

Nous avons eu cette année, à Paris, deux magnifiques expositions, "Les Borgia et leur temps" au musée Maillol, et "Le Pérugin, maître de Raphaël" au musée Jaquemart André. Je suis allé les voir chacune des deux, deux fois. Quelques mois plus tôt, j'étais à Florence, et le nombre de touristes, venant souvent de l'autre bout du monde et faisant la queue pendant des heures devant la galerie des offices m'a impressionné. Quelques mois plus tôt encore, j'étais au Louvre, devant les Ghirlandaio, les Botticelli, les Léonard de Vinci, et là encore, le défilé cosmopolite devant la Joconde donne à penser.
On peut ajouter comme preuve supplémentaire de cet engouement, la diffusion en 2011, de pas moins de deux séries télévisées sur les Borgia produites simultanément par les canadiens et les européens
Je suis moi même en admiration devant le travail de ces maîtres, et j'essaie de comprendre en reproduisant le travail des artistes de la renaissance où en m'en inspirant, d'où vient cette fascination. Cet article est un point sur cette démarche, un exposé de certaines clés... Je me dis souvent, on ne dessine plus comme ça, on a perdu quelque chose, mais quoi ?



Exemple en action : J'ai repris une photo de Giulia Farnese tiré de la série "the Borgias", et même si je trouve ce dessin réussi, il manque ce "quelque chose". Ça peut à la limite faire 18 ème siècle, mais pas renaissance. J'ai donc refait de mémoire un dessin s'inspirant de l'étude de Léonard de Vinci pour la madone au fuseau, et c'était déjà plus dans l'esprit renaissance (deuxième dessin). Enfin, j'ai refait une copie de l'étude de Léonard de Vinci, en l'adaptant, en changeant ce que je n'aimais pas.
Ce qui est amusant, c'est que je m'aperçois que mes visages sont plus proches de Raphaël que de Léonard, et que pour les corps, je ne peux échapper à l'influence de Michel-Ange.
Mais finalement, je fais ce que faisais les artistes de cette époque. Copier les maîtres, s'en inspirer, garder de chacun ce qui nous plaît et, de ce fait, forger son goût et construire sa griffe personnelle.

Plus je m'intéresse aux dessins de la renaissance italienne, plus je m'aperçois que l'art de cette époque est indissociable de son histoire. J'y ai d'abord été sensibilisé par l'exposition du musée Maillol sur Les Borgia que j'ai visitée deux fois. Puis plus encore en rédigeant un long article sur l'exposition, tout en visionnant les deux séries télévisées qui sont sorties la même années sur Les Borgia et qui sont truffées d'erreurs historiques.
Dans cette démarche personnelle, il y avait d'abord la volonté de comprendre dans quel contexte les artistes ont créé leurs oeuvres. En particulier, j'ai essayé de dresser la liste des lieux où les artistes les plus connus que sont Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ont travaillé, et de comprendre ce qui a motivé leurs déplacements quand ils ont migré d'une ville à l'autre ou ont parfois même changé de pays, et par dessus tout ce qui guidait leur travail. Après de nombreuses recherches sur le sujet et une certaine période de maturation, j'ai une idée assez précise de ce qui rend les productions du Quattrocento et du début du Cinquecento aussi fascinantes

Etude de nu "à la manière de" Michel-Ange
Travail en cours


D'après Raphaël, étude pour une tête de Muse


Si on résume ce qui s'est passé à cette époque et qui a conduit à la création de ce nombre incalculable de chefs d'oeuvre qui nous fascinent encore aujourd'hui, voilà ce qu'on peut dire :

Au XIV éme siécle l'Italie devient une grande puissance économique grâce au commerce et au début de la mise en place d'institutions financières. Parallèlement, les premiers humanistes Pétrarque, Bocace rendent à nouveau populaire les idées des philosophes de l'antiquité dont Platon. Mais cette période est aussi marquée par des catastrophes naturelles (glaciation avec réduction de la production agricole, épidémies de peste) et des guerres incessantes et meurtrières.
Cet essor suivi tout de suite après par un effondrenment va conduire, le siècle suivant, grâce à la volonté de grands mécènes, à la diffusion et l'acceptation des idées humanistes et néoplatoniciennes d'une part, et, d'autre part, à l'augmentation de dépenses en culture et en art (cf. la section concernée dans l'article wikipédia sur la renaissance itaienne).
C'est la conjonction entre les idées humanistes et néoplatoniciennes d'une part et la forte demande en productions artistiques d'autre part qui font du quattrocento une époque qui va produire ces oeuvres qui fascinent encore les foules à notre époque. Pourquoi ?

  • Parce que l'art va être mis pour la première fois, en occident au service d'une nouvelle représentation du monde qui caractérise encore l'époque d'aujourd'hui. Cette nouvelle représentation du monde est celle de la pensée humaniste : l'homme est dorénavant perçu dans l'univers, en tant que figure centrale, en lieu et place de la Divinité (Sainte Trinité, religion et gloire de Dieu).

    Quant aux idées néoplatoniciennes elles mettent en avant les concepts du beau et du sublime. La grosse machinerie artistique en marche en Italie à la renaissance, (car c'est une industrie), mécènes et ateliers (bottega) va se focaliser sur cette mission :
    Faire en sorte que la production artistique éveille chez le spectateur des sentiments, des émotions liés au concept de beauté, à l'idée du sublime. Tout ceci en mettant en avant, parallèlement, la représentation de l'être humain comme centre de l'univers. Une nouvelle conception de l'art venait de naître. On peut même dire que l'art, tel que nous le connaissons aujourd'hui, venait de renaître, puisqu'avec cette réinvention du concept de beauté venait de renaître l'esthétique.

    A ce titre les deux représentants majeurs de cette nouvelle conception de l'art sont Léonard de Vinci et Michel-Ange qui ont tous les deux débutés leur carrière dans la Florence des Médicis et qui étaient tous deux néoplatoniciens mettant le dessin au service de l'idée au sens de Platon. L'idée du beau, l'idée du sublime. Ce sont certainement les artistes les plus conceptuels de l'époque, les plus intellectuels aussi.

    D'autres artistes comme Botticelli quoique moins conceptuels dans leur démarche sont concernés aussi. Chez Botticelli le néoplatonisme est sensible dans les références allégoriques et l'apparition de thèmes profanes aux dépends du sacré. Ceci est aussi une des caractéristiques de Michel-Ange.

  • Parce que la compétition entre les artistes va leur permettre de se surpasser tout en collaborant et en se copiant. Comment faire une oeuvre encore plus belle et plus sublime que celle de son concurrent, comment être remarqué d'un mécène plus important et se voir confier une commande ?
    Ces artistes de l'époque qu'on admire aujourd'hui dans les musées étaient aussi des monstres de travail. Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ne se sont jamais mariés et n'ont jamais eu d'enfants. L'art a été pour eux un sacerdoce.

    Il faut aussi dans ce cadre, féliciter les mécènes et les prescripteurs de l'époque, qui par leur goût, ont permis de donner aux plus talentueux et aux plus travailleurs les commandes qui ont produit les chefs d'oeuvre que l'on admire aujourd'hui : Cosme l'ancien, Laurent le Magnifique, le pape Sixte IV, Ludovic Sforza, le pape Jules II, le pape Léon X, les corporations textiles de la république de Florence.


Voilà donc d'où vient la fascination qu'exercent ces oeuvres sur les foules. Les artistes de l'époque ont rivalisé entre eux et se sont dépassés pour produire des oeuvres qui se distinguent par la mise en avant de ce qu'il y a de plus remarquable chez l'humain : la beauté et le sublime. Il y avait dans cette recherche de la matérialisation des idées platonicienne du beau et du sublime une portée universelle, telle que, n'importe qui, qu'elle que soit sa culture, son âge, sa condition ne pouvait qu'être profondément touché et ému au contact de l'oeuvre. Au regard de la popularité de ces oeuvres 5 siècles plus tard, force est de constater qu'ils y ont réussi !
Jamais, hormis à cette époque du Quattrocento en Italie, pendant cette parenthèse enchantée de l'histoire de l'humanité, l'homme n'aura autant idéalisé l'homme. Cet idéal perdu et jamais retrouvé reste gravé dans ces oeuvres comme un témoignage qui nous pousse sans relâche vers les musées et les expositions.

Et après ?

Ensuite, au début du XVI ème siècle, l'art occidental va perdre cette pureté originelle et commencer à dévier vers la recherche d'une certaine forme de beauté mais qui n'est plus basée sur l'harmonie de la nature et sa représentation. C'est le courant maniériste.
Selon wikipédia, le terme « maniérisme » vient de l'italien manierismo (de l'expression bella maniera), dans le sens de la touche caractéristique d'un peintre en opposition avec la règle d'imitation de la nature. Selon Larousse (confirmé par Daniel Arasse), le terme manierismo n'existe pas au XVIème siècle, et apparaît pour la première fois chez l'historien Luigi Lanzi (1792).

Daniel Arasse fait la distinction chez Vasari entre la "bella maniera" qui caractérise l'excellence classique, en particulier celle de Raphaël et de Michel-Ange dans le sens où l'artiste produit des œuvres égales en beauté, en harmonie et en virtuosité à celles de l'antiquité, et "L'arte della maniera" qui caractérise la maîtrise du style, le fait qu'un artiste puisse se distinguer par un style particulier. Une façon de dessiner ou de peindre qui, non seulement, est admirable, mais qui de plus, rend les œuvres de l'artiste reconnaissables. Sa patte, sa touche personnelle.
Le maniérisme, selon Daniel Arasse est lié chez Vasari à "L'arte della maniera", et non à la "bella maniera".

Dans les faits, avec le maniérisme, la beauté va être circonscrite à l'oeuvre elle même, le lien avec la beauté du modèle, la beauté intrinsèque de la réalité va être rompu. La pratique artistique et les œuvres vont perdre cette transcendance. Transcendance du quattrocento où la beauté de l'oeuvre est censée dépasser l'oeuvre et faire référence à une beauté qui est en dehors de l'oeuvre, et qui donc la transcende. Transcendance qui fonde la pratique artistique sur la matérialisation dans l'oeuvre des concepts de beauté et de sublime qui dépassent l'art lui-même.
On date ce courant de 1520 (mort de Raphaël) ou de 1530. c'est une réaction amorcée par la période de trouble correspondant au début du XVIème siècle et en particulier le sac de Rome de 1527 qui ébranla l'idéal humaniste de la Renaissance. Ce moment où l'homme perdit l'idéal qu'il avait de lui même.
Il y a dans le courant maniériste une désillusion et de ce fait une réaction face à l'harmonie de la peinture de la première renaissance. Comme si les artistes avaient décidé de se détourner de l'harmonie parce qu'elle n'était pas (ou plus) de ce monde, ou peut être, ce qui est un peu la même chose, parce que jugée trop naïve.



J'avais déjà fait une copie de l'étude de Raphaël précédemment. Je la remets dans cette article.

Au regard de la dernière que j'ai faite, cette première étude est résolument maniériste. Il y a beaucoup d'artifices pour faire "joli".

La dernière étude est plus simple, mais l'intensité du regard, sa ferveur, la pureté qui émane du personnage est plus dans l'esprit du Quattrocento.

Deux dessins valent mieux qu'un long discours. Je crois que la différence entre les deux dessins illustre parfaitement la différence entre le style originel du Quattrocento et sa dérive en courant maniériste.


Nous avons évoqué précédemment, et tout au long de l'article, l'engouement du public pour l'art de la renaissance. Mais ce n'est pas tout.
Il se trouve que les artistes eux-mêmes, et souvent les anglais ou les américains, commencent à étudier sérieusement l'art du Quattrocento et que je vois s'amorcer un retour aux sources dont je me sens solidaire. J'ai souvent parlé de Robert Liberace, de Theresa Oaxaca, mais on peut aussi citer Shane Wolf et il y a aussi cette artiste anglaise que j'aime beaucoup Natalie Papamichael. Ces artistes ont souvent passé plusieurs mois ou années à Florence au contact des œuvres anciennes et les influences du Quattrocento et du Cinquecento sont perceptibles dans leur travail...

Cependant, malgré leur talent incontestable, malgré leur technique prodigieuse, je trouve qu'il manque à ces artistes une petit quelque chose pour nous donner le frisson que nous donne certaines œuvres de la renaissance. Les œuvres de ces artistes contemporains sont souvent froides, non seulement du point de vue des couleurs, mais de l'atmosphère aussi. Trop techniques, il leur manque ce petit supplément d'âme, ce supplément de grâce présent dans l'art du Quattrocento. Peut être que ces néo-figuratifs anglais et américains ne le cherchent tout simplement pas et dédient leur art à la recherche exclusive de la Bella Manirera.

J'essaie pour ma part d'aller plus loin et de retrouver ce charme perdu depuis le 15 ème siècle...

Notes :
1 - Michel-Ange, Le dessin et l'idée, Encyclopaedia Universalis - Martine Vasselin, ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence.

Renaissance, Humanisme, Démocratie et Laïcité

Sunday, February 1, 2015


"L'homme est la mesure de toute chose"
Protagoras (présocratique, né vers -490 / mort vers -420)



D'après dessin de Michel-Ange (Michelangelo) Etude pour création d'Adam
première étape - crayons de couleur - 2015-01-15
C'est peut être l'oeuvre picturale de Michel-Ange la plus connue. On y voit Dieu créer l'homme, mais la mise en scène pensée par Michel-Ange met plus le focus sur l'homme que sur Dieu.
De ce fait, Michel-Ange renoue avec la pensée antique et en particulier Protagoras, ce présocratique célèbre par cette citation : "l'homme est la mesure de toute chose". On sait que Michel-Ange était pétri de culture classique et néoplatonicien.
La renaissance coïncide avec la naissance de l'humanisme, la sortie du moyen âge, de l'obscurantisme, cette époque où l'on assassinait au nom d'un Dieu.
En renouant avec l'antiquité, la renaissance donne naissance à l'humanisme, l'humanisme prépare l'arrivée du siècle des lumières, la naissance des droits de l'homme, le retour aux démocraties. Il y a tout ceci dans ce dessin de Michel-Ange...

L’humanisme est porteur de valeurs universelles.

Pour un humaniste, il existe des principes moraux qui aident l’humanité à survivre et à prospérer et qui font avancer la civilisation, et il y en a d’autres qui peuvent la faire régresser vers la stagnation et même vers la barbarie. Les principes moraux humanistes, ont un attrait universel par leur logique et leur efficacité et ils transcendent toutes les cultures.

L'humanisme c'est le moment où l'homme va se recentrer sur lui même et non autour du concept d'un Dieu quelconque. C'est le moment où l'homme va devenir sacré pour l'homme. C'est le moment où l'homme va se prendre en main, va se prendre en charge, décider que le maître de son propre destin c'est lui-même et que son destin est à faire et n'est pas quelque chose de définitivement écrit par je ne sais qui je ne sais où.

Cette volonté de se prendre en charge qui va de pair avec le déni d'une quelconque fatalité, est née en Grèce quand est née la première démocratie au temps de Périclès, au Ve siècle avant J. -C. Quand en fait est né l'occident.
La démocratie, c'est quand un peuple décide de se prendre en charge, de prendre son destin en main.

Pour en revenir à l'antiquité, Démocrite, avec son explication, de même plus tard qu'Épicure, n'a pas besoin de dieux pour établir son éthique. En 431 av. J.-C., le stratège d'Athènes, Périclès, pour honorer les guerriers athéniens morts au combat lors de la Guerre du Péloponnèse, prononce une oraison funèbre dans laquelle n'est faite aucune mention aux dieux.
Platon dans sa République, fonde sa cité idéale sur des vertus dissociées de croyances, des vertus laïques : le courage, la tempérance et la sagesse.

Une démocratie est forcément laïque. L'humanisme laisse tout homme libre de penser et d'exprimer ce qu'il veut dans le respect du débat d'idées, laisse les individus libre de se rassembler sous forme de communautés basées ou non sur des croyances religieuses tant que cela ne porte atteinte au bien être de tous.
L'humanisme n'exclut pas la croyance, On retrouve dans les organisations humanistes des croyants, qui affirment que l'éthique peut et doit exister sans qu'intervienne le fait religieux.

Techniques de dessin de la renaissance italienne

Tuesday, October 7, 2014

Je reviens d'un voyage en Italie consacré à l'étude du dessin ancien. A Florence, j'aurais pu visiter plusieurs musées, mais j'ai choisi plutôt de visiter trois fois les Uffizi. J'aurais aimé voir les dessins de Léonard de Vinci dont les Uffizi possèdent plusieurs exemplaires, mais je sais que ce genre de dessins ne sont pratiquement jamais exposés.
J'ai été très déçu par les dessins exposés dans le cadre de la collection permanente aux Uffizi en septembre 2014 : une succession de planches botaniques assez vilaines : consternation !
Heureusement, aux mêmes dates, se tenait, au sein du musée, au premier étage, l'exposition "Puro, semplice e naturale" (pur, simple et naturel) qui rassemblait entre autre, une vingtaine de dessins de la renaissance, tous alignés soigneusement au même niveau, sur les quatre murs d'une même salle.
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D'abord, ce qui m'a surpris, c'est la différence de style des dessins exposés.
Ça va du style très enlevé, très moderne d'Andrea del Sarto (1), au style très académique d'Ottavio Vannini (3), en passant par le maniérisme de Pontormo (2), ou d'oeuvres très sages presque scolaires comme celle de Lorenzo Lippi (4).
Sans parler de cette étude de Jacopo da Empoli pour l'ivresse de Noé dont le traitement du visage et de la main est tellement moderne qu'on dirait du Cocteau ou du Loustal !
 
Lors de ma première visite, j'ai pris d'assez mauvaises photos avec mon téléphone portable et, à l'hôtel, je me suis mis à reproduire plusieurs oeuvres en utilisant mes sanguines. J'avais aussi photographié les explications attenantes aux oeuvres, et quelque chose m'intriguait. Pour toutes les oeuvres, le texte explicatif indiquait "pencil" et non "red chalk" c'est à dire, crayon et non pas sanguine.
A l'époque, je ne savais pas que le crayon de couleur existait à la renaissance, et surtout qu'il était utilisé, et ceci m'intriguait (j'en ai eu confirmation depuis grâce au blog d'Alexandra Zvereva). De plus je n'avais pas pris toutes les œuvres en photo donc je décidai de retourner une deuxième fois au musée en emportant mes reproductions pour les comparer aux originaux.
Quand je suis arrivé pour la deuxième fois dans la fameuse salle aux dessins de l'exposition, j'ai eu l'immense surprise en examinant les œuvres, de constater qu'elles étaient toutes, sans exception, dessinées au crayon de couleur. Il n'y avait pas une seule sanguine !
J'ai repris des photos avec un bon appareil cette fois-ci, et j'ai comparé mes reproductions faites à partir des mauvaises photos avec les originaux :


Puis j'ai retravaillé un autre dessin. Pour ce dessin, j'ai teinté le papier comme j'ai pu dans ma chambre d'hôtel, et j'ai travaillé comme pour l'original au crayon de couleur noir et à la craie blanche.
Puis, je suis retourné une dernière fois aux Uffizi et cette fois-ci, j'ai fait une séance de travail dans la salle des dessins pour finaliser ma copie.
Je me suis aperçu qu'avec la photo, on est souvent incapable de dire où l'artiste a réellement mis de la craie blanche, alors que devant le dessin, ça saute aux yeux. C'est ce qui rend la technique des dessins anciens si difficiles à comprendre et à reproduire sans être devant les oeuvres. Les musées et les salles d'exposition ont encore de beaux jours devant eux.



Voilà quelques constatations sur ce travail de copie :
  • Copier des dessins faits au crayon avec de la sanguine ou vice versa est un exercice intéressant car il permet de bien se rendre compte de la différence entre les deux média, et au besoin d'en explorer les limites.
  • Prendre des photos de dessins, en faire des copies dessinées, puis revenir voir les originaux est un excellent exercice car il permet d'apprendre à extrapoler ce qu'a vraiment fait un dessinateur à partir d'une photo de son dessin. Comme les dessins anciens et célèbres ne sont pratiquement jamais exposés, cette qualité de savoir extrapoler à partir de la photo est indispensable pour travailler les techniques anciennes.
  • Prendre des photos de dessins, en faire des copies dessinées est un excellent exercice car on se rend compte qu'à partir de la photo, on se met à voir des choses que le dessinateur n'a pas faites. Ces choses que l'on voit parce qu'on interprète le dessin mais qui n'existent pas en réalité nous révèlent notre identité artistique, l'unicité de notre regard d'artiste. C'est important de déraper et de se laisser déraper quand on recopie un dessin parce qu'ainsi notre style personnel se construit. C'était le sujet de cet autre article.


Lors de cette troisième visite de la salle des dessins de l'exposition "Puro, semplice et naturale", je me suis aperçu qu'un des dessins était une photocopie ! C'était quand même écrit sur la tablette explicative sur un petit autocollant. Tout ceci m'a servi de leçon : on ne regarde jamais assez bien les oeuvres..
Il m'aura fallu deux visites pour me rendre compte que les dessins n'étaient pas des sanguines mais des crayons et une troisième pour m'apercevoir qu'un des dessins était en fait une photocopie!

Finalement, ce séjour à Florence m'aura complètement décomplexé par rapport au crayon de couleur, et m'aura permis de mieux comprendre l'approche de Robert Liberace qui mélange crayon de couleur et craie blanche.

En conclusion :
  • Il n'y a pas à proprement parler de style de dessin à la renaissance. On trouve à peu près tous les styles. Il y a des choses qui sonnent vraiment très moderne. Il suffit de bien regarder les oeuvres pour s'en rendre compte. A vous d'observer et de trouver ce qui vous plaît, de forger votre goût, et de reproduire les oeuvres qui vous plaisent pour faire naître votre propre style.
    Pour faire naître votre propre style, n'essayez pas de reproduire fidèlement l'oeuvre, mais enlevez ce qui vous déplaît, ajoutez ce que vous aimeriez y avoir vu. Si vous faites quelque chose de différent dans le style et en utilisant une autre technique et que ça vous plaît au moins autant que l'original, alors tant mieux !
    Tous les maîtres ont d'abord copié leurs maîtres. C'était la coutume dans les ateliers à la renaissance de faire faire ce travail de copie aux enfants qui entraient dans l'atelier, c'était une partie de leur apprentissage.
  • Travaillez d'après photos sans complexe. Bien sûr, vous ne serez jamais sûr d'avoir fait quelque chose d'identique à l'original tant que vous ne serez pas devant l'original avec votre dessin. Mais qu'importe ! De toute façon, même face à l'original, vous auriez fait quelque chose de différent. J'irai même plus loin. Travaillez d'après photo même si vous pouvez aller voir l'original. Le flou artistique de la photo, l'interprétation que vous allez être obligé d'en faire va vous permettre de forger votre propre technique et votre propre style.
  • Mélangez sans complexe crayons de couleurs et craies, sanguine, pierre noire, et craie blanche, ou même contentez vous d'un simple crayon de couleur brun ou rouge.
    Grosso modo, sans être un expert, j'ai pu lire à droite à gauche que l'usage de la sanguine a eu du mal à se répandre parmi les artistes de la renaissance mais qu'elle a gagné petit à petit les ateliers grâce aux meilleures possibilités de dégradés, de fondus. Par contre, son défaut est la difficulté à faire des traits fins, nets et précis...
    Quand la mine de plomb est arrivée au milieu du 16 ème siècle, tout le monde l'a adoptée car elle avait la qualité, et de la sanguine (fondu, dégradé) et du crayon (finesse et précision des traits). Ne pas oublier non plus que le dessin à cette époque n'était pas une fin en soi, mais juste un moyen de faire des études avant de peindre...
    Dans cet article où j'essaie de comprendre comment obtenir le rendu qui caractérise les études de Michel-Ange pour les fresques de la chapelle Sixtine, je montre l'impact du matériel utilisé par Michel-Ange et Léonard de Vinci sur leur style respectif.


En rentrant de Florence, j'ai passé deux nuits à Turin pour ne pas avoir à faire le voyage d'une traite. Dans le sous sol de la bibliothèque royale se trouve un des codex de Léonard de Vinci. Une espèce de salle-coffre fort. Comme je m'y attendais, elle n'était pas ouverte au public. Elle le sera par exemple le 24 et 25 octobre 2014. J'irai peut être...

Dans le TGV partant de Turin et qui me ramenait sur Paris, j'ai pu à un moment m'asseoir en face de cette jolie jeune femme, Alicia, qui était montée à Bardonecchia.

Elle a bien voulu que je la dessine...

Je n'ai pas vu le voyage passer.

Pour cette esquisse, je ne me suis pas gêné, j'ai pris un bon vieux crayon de couleur rouge.

J'adopte définitivement le style del Sarto...