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Trois crayons

Wednesday, October 15, 2014



Ce n'est pas tous les jours qu'on peut pousser un petit cocorico chauvin, mais là c'est le cas, la technique de dessin dite aux "trois crayons" est une invention française, et se dit "trois crayons" aussi en anglais ! D'ailleurs, beaucoup de dessinateurs et de peintres américains s'y essayent encore aujourd'hui.
Voici ma dernière contribution à la dite technique, bien que ce ne soit pas exactement du "trois crayons" au sens pur du terme.

Normalement, le "trois crayons" est fait en utilisant la sanguine, la pierre noire, et la craie blanche sur du papier teinté.
Moi, j'utilise de la sanguine, de la pierre noire et du sépia sur papier blanc. Je crée mes lumières en gommant et je trouve que c'est beaucoup plus lumineux ainsi et que les effets de lumière faits avec la gomme sont beaucoup plus intéressants. Je n'utilise la craie que pour les iris et les pupilles des yeux ou quand j'ai besoin d'un trait blanc très fin.
De plus, conformément à ce que j'ai expliqué dans mes articles sur le dessin ancien, j'utilise de temps à autre les crayons de couleur quand j'ai besoin de traits très fins. C'est souvent le cas pour le traitement de la bouche.

Ce dessin marque un retour à la base pour moi. Depuis deux ans, j'ai fait plutôt de la sanguine, du graphite et beaucoup de feutres et de stylos cet été. Mais finalement, je me rends compte que là où je suis le plus doué c'est bien avec cette technique des trois crayons. C'est ce que me disent mes statistiques de visites du blog et mes nombres de vues sur les dessins.

Finalement, je suis français, j'ai toujours adoré ce que faisaient Fragonard et Boucher (bizarrement, je n'ai jamais accroché avec Watteau à part un ou deux dessins). Il y deux ans, j'ai découvert Antoine Coypel (celui qui a peint le plafond de la chapelle du château de Versailles) et ses études pour ces fresques réalisées aux trois crayons sont parmi mes oeuvres préférées utilisant cette technique.

C'est donc un peu normal que je me sente particulièrement à l'aise avec les "trois crayons", ça fait partie de ma culture, de mon inconscient collectif d'artiste.

Je profite aussi de cet article pour parler de la numérisation des dessins et de la retouche numérique.
Je prévois un article dans la rubrique Web Design consacré à ce sujet, mais en gros, pour un dessin, on a le choix entre la photo et le scanner qui donnent des résultats complètement différents mais qui sont l'un et l'autre intéressants. Pour ce dessin format A4, j'ai donc posté les deux. La photo en premier, le scanner en second (celui sur lequel le texte que vous lisez s'affiche actuellement).
Pour le recadrage, le redressage, les premières retouches de netteté, d'ombres, de lumières et de chaleur j'utilise Picasa (sur mon ordinateur). Ensuite j'exporte la photo dans Google + et là je me sers encore des outils Google de retouche en ligne qui sont géniaux.
La photo du dessin a été retouchée dans l'application picasa sur mon ordinateur mais pas avec les outils Google en ligne. Le scanner a été retouché avec les deux outils et la netteté a été améliorée avec les outils Google en ligne. Les couleurs, ombres, lumières et contraste ont été retouchés avec les deux outils.


Je m'intéresse aux dessins anciens depuis plus de dix ans, et à l'époque j'avais fait cette copie d'une étude pour une statue de Saint Louis vue dans un musée à Toulouse. Je n'ai pas noté le nom de l'artiste à l'époque.
C'était du vrai "trois crayons", avec sanguine, craie blanche et pierre noire, bien qu'il y ait très peu de pierre noire sur ce premier dessin, et que le papier ne soit pas teinté (j'ai donné la couleur du fond avec des craies pour donner l'illusion que le papier est teinté).

En 2010, j'ai refait du trois crayons avec ce nu. Cependant, j'ai abandonné la craie blanche et l'ai remplacé par un sépia. Je crée la lumière en gommant le papier avec la gomme mie de pain. Ça m'oblige à travailler très en finesse pour pouvoir toujours être en mesure de gommer les craies et faire apparaître le blanc du papier, et aussi, forcément, à travailler sur du papier blanc.
Quelques mois plus tard, je fais cette étude de l'épaule écorchée pour étudier les muscles de l'épaule.
C'est du vrai trois crayons. Le plus vrai que j'aie jamais fait, avec papier teinté, sanguine, craie blanche et pierre noire, mais le traitement est complètement inattendu.

Puis je fais cette étude de dos avec ma technique habituelle : sanguine, sépia, pierre noire, et coups de gommes pour la lumière.

Encore et toujours du papier blanc. Pour le fond, en général, comme pour le dessin du dessus, j'utilise la poudre résultant de l'aiguisage des pierres que je saupoudre sur le papier, puis que j'estompe avec le doigt, une estompe en papier ou un pinceau en poils de putois.

L'histoire du dessin de Kezia m'a donné à réfléchir.
En ce moment, j'ai abandonné le travail sur le corps pour me consacrer sur celui sur le visage. Ça doit être mon voyage à Florence qui m'a motivé pour travailler davantage le dessin du visage. Peut être aussi d'avoir travaillé le visage de l'étude de la sibylle de Libye de Michel-Ange.
En ce moment je suis à Nantes. Samedi, je suis sorti profiter des derniers beaux jours, et j'ai fait cette esquisse de la jeune femme qui était à la table d'à côté.

J'ai bien aimé le résultat, très sobre, avec des lignes très franches. Ça m'a rappelé un très beau dessin de pilote d'aviation fait dans les années 50.
J'ai aimé aussi avoir osé, pour la bouche, faire ce que je voyais vraiment au lieu de styliser la bouche comme je le fais habituellement.

Dimanche, je suis retourné en ville et dans un café j'ai aperçu une fille... J'ai commencé à la dessiner, mais elle est partie trop vite pour que je fasse une esquisse satisfaisante.

En fait, je me suis trop attardé sur les ombres et les lumières du visage qui étaient vraiment intéressantes, et je n'ai pu faire une esquisse assez complète du visage de la fille avant qu'elle ne s'en aille.
J'ai ensuite essayé de continuer le dessin de mémoire comme je le fais souvent, mais sans succès. J'ai travaillé plusieurs heures sur ce dessin mais je ne suis jamais parvenu à retrouver ce que j'avais vu.

Lundi je suis retourné à nouveau en ville, mais je n'ai vu aucun visage qui me donnait envie de le dessiner. J'étais frustré, et j'ai décidé de dessiner un visage d'après photo même si maintenant j'ai tellement de plaisir à dessiner d'après nature que le dessin d'après photo me rebute.

J'ai regardé les dizaines de photos de portraits disponibles sur mon ordinateur mais aucune ne me motivait. Elles étaient toutes trop parfaites .
Les photos de gens célèbres surtout, toutes nettoyées avec photoshop. Les photos de photographe professionnels en général sont trop lisses pour que j'aie envie d'en faire un dessin.

Puis j'ai regardé à nouveau les photos que j'avais prises de Kezia, et celle-ci m'a sauté au visage. Tout y était : ambiance, lumière expression. Je me suis mis à faire ce portrait et ai travaillé dessus sans m'arrêter jusqu'à obtenir un résultat satisfaisant. Le but recherché était de travailler la lumière sur un visage avec une précision que je ne peux pas obtenir sur un modèle vivant.

Après avoir fini ce dessin, j'ai jeté le dessin raté de la veille à la poubelle. Ça faisait des années que je n'avais pas jeté un dessin pas trop mal à la poubelle. Je crois qu'on passe un cap en dessin quand on commence à jeter des dessins...

J'aime ce que dit Fragonard des pastels secs. De mémoire, il dit que les pastels sont très proches de la peinture à l'huile. Pour Fragonard, la peinture à l'huile était juste un moyen différent d'étaler les pigments, mais si on maîtrisait les pastels on n'avait peu d'effort à faire pour maîtriser l'huile...

Je finirai cet article en vous offrant deux Coypel, une minerve aux trois crayons et cette rarissime étude de Coypel issue de la collection Prat en grand format et en vous laissant admirer le travail d'un maître aux trois crayons.