Florence, mai 2015 : dessins de sculptures, j'expliquais que lors de mon dernier jour de ce séjour à Florence, toujours mû par la recherche de sculptures qui ont inspiré l'art toscan, j'ai profité de l'exposition "Power and Pathos: Bronze Sculpture of the Hellenistic World" qui se tenait au Palazzo Strozzi jusqu'au 21 juin 2015, pour aller admirer les bronzes grecs datant du premier siècle au quatrième siècle avant Jésus Christ.
S'amassait un nombre impressionnant de pièces rares venues de tous les coins de la planète. Mais on retrouvait dans la plupart des œuvres ce mélange de dignité et d'émotion.
Je me suis arrêté devant cette tête d'Apollon trouvée par des pêcheurs en 1930 à Salerne. Ramenée dans le filet, au milieu des poissons... J'en ai fait une esquisse debout, le carnet à la main, que j'ai publiée dans mon dernier article mais dont je ne suis pas satisfait.
J'ai donc retravaillé à partir de photos trouvées sur Internet et figurant dans le catalogue de l'exposition en essayant de retrouver l'image que j'avais vue lors de l'exposition. J'ai fait plusieurs versions, travaillé dans plusieurs direction sans parvenir à retrouver cette image, mais quelque chose d'aussi intéressant que cette image a émergé.
Au fur et à mesure que je travaillais le dessin de ce bronze antique, un dessin classique s'est fait jour presque malgré moi, et qui m'a beaucoup rappelé le grand siècle français. Ce dessin aurait pu être un hommage au roi soleil.
J'en suis venu à me questionner sur le classicisme. D'où vient il ? Que représente-t-il ?
Le fait que, parmi tous les bronzes exposés, j'aie choisi une tête d'Apollon, n'était pas un hasard dans la démarche qui m'a conduit à ce questionnement.
Apollon est communément connu comme le Dieu de la beauté dans la mythologie grecque et romaine. Depuis Nietzsche, il est plus que ça : Dieu de l'ordre et de l'harmonie.
Parce que le soleil se lève et se couche par ses soins, il est le garant de l'ordre du monde, du bon fonctionnement de la mécanique céleste. Quoiqu'il arrive, le soleil se lèvera demain matin et se couchera demain soir, certitude rassurante.
Il y a donc dans l'antiquité un lien direct entre "beauté" et "ordre". Ce qui est beau a été ordonné avec soin par une main divine. Ce qui explique que les premiers mathématiciens grecs et romains ont cherché des lois formalisant les proportions de cet ordre équilibré, source de beauté.
En philosophie aussi cette idée laisse des traces. Platon travaillera sur la liaison entre l'Un et le multiple. Une des définitions de la beauté est alors la suivante : la beauté est ce qui donne une unité (l'Un) à un ensemble d'éléments (le multiple), arrangées dans des proportions harmonieuses. Un beau visage, un beau corps, un beau paysage, bâtiment, etc.
Parce que les proportions harmonieuses font naître chez le spectateur un sentiment de beauté et donne à cet ensemble d'éléments une unité, une unicité, dû à ce sentiment de beauté, les proportions harmonieuses et le concept de beauté font partie des clés permettant de résoudre le conflit entre l'Un et le multiple.
L'art de la renaissance italienne, au Quattrocento, renoue avec cette tradition antique de la recherche de la divine proportion, des lois mathématiques fondant un ordonnancement du monde harmonieux. On pense au moine mathématicien Luca Pacioli et à son ouvrage éponyme illustré par Léonard de Vinci.
Léonard de Vinci et Luca Pacioli se connurent à Milan en 1496 à la cour de Ludovic Sforza et s'enfuirent ensemble de Milan en 1499 à l'arrivée des français. Auparavant, autour de 1492, Léonard de Vinci avait conduit des recherches similaires en illustrant les proportions du corps humain selon Vitruve cet architecte romain qui vécut au 1er siècle av. J.-C.
On pense aussi à Leon Battista Alberti qui côtoya aussi Luca Pacioli en 1471, cette fois-ci à Rome. Alberti, mathématicien, philosophe humaniste, théoricien des arts, architecte, est connu pour avoir formalisé mathématiquement la perspective. Ses conceptions architecturales sont imprégnées d'harmonies et de rapports... Pour continuer avec Alberti et la perspective, je vous invite à visionner ce post-cast de France Culture mis en image sur Daily Motion où Daniel Arasse explique l'évolution de l'usage de la perspective dans l'art de la renaissance.
Daniel Arasse fait le lien entre pouvoir et climat politique d'un part, et composition artistique d'autre part. Il explique que dans un climat politiquement serein, paisible, où le gouvernement a acquis la confiance des gouvernés, la production artistique se singularise par une composition elle aussi, sereine, et basée sur la confiance de l’ordonnancement du monde selon des principes mathématiques.
C'est l'usage bien pensé de la perspective, la composition régie par des règles devant suggérer l'harmonie, soit, le classicisme.
A la renaissance, cette conception de l'art trouvera son apogée au début du 16ème siècle. L'oeuvre la plus représentative est certainement l'école d'Athènes de Raphaël (1508-1512). C'est ce classicisme antique à nouveau retrouvé et maîtrisé qui a fasciné Vasari, qui l'a obsédé toute sa vie et qui l'a fait porter au pinacle Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphael, les meilleurs représentants selon lui, de cette Bella Maniera comme il avait coutume de la définir.
Quelques années après l'Italie est plongée dans la confusion, c'en est fini du classicisme, de la Bella Maniera et l'art italien dérive vers l'Arte della Maniera, ou maniérisme, courant amorcé par Michel-Ange et Raphaël lui-même dans ses dernières années et poursuivi par Pontormo, del Sarto, le Tintoret...
Il faudra attendre le siècle suivant, le 17ème siècle, et des climats politiques plus sereins en France et en Italie pour que le classicisme revienne en vogue plus que jamais, au point, qu'en histoire de l'art, le mot soit devenu la caractéristique du siècle.
Voici pourquoi, de ce point de vue, les œuvres de la fin du Quattrocento et du début du Cinquecento sont très proches de celles du 17ème siècle.
Dans mon dernier article, S'amassait un nombre impressionnant de pièces rares venues de tous les coins de la planète. Mais on retrouvait dans la plupart des œuvres ce mélange de dignité et d'émotion.
Je me suis arrêté devant cette tête d'Apollon trouvée par des pêcheurs en 1930 à Salerne. Ramenée dans le filet, au milieu des poissons... J'en ai fait une esquisse debout, le carnet à la main, que j'ai publiée dans mon dernier article mais dont je ne suis pas satisfait.
J'ai donc retravaillé à partir de photos trouvées sur Internet et figurant dans le catalogue de l'exposition en essayant de retrouver l'image que j'avais vue lors de l'exposition. J'ai fait plusieurs versions, travaillé dans plusieurs direction sans parvenir à retrouver cette image, mais quelque chose d'aussi intéressant que cette image a émergé.
Au fur et à mesure que je travaillais le dessin de ce bronze antique, un dessin classique s'est fait jour presque malgré moi, et qui m'a beaucoup rappelé le grand siècle français. Ce dessin aurait pu être un hommage au roi soleil.
J'en suis venu à me questionner sur le classicisme. D'où vient il ? Que représente-t-il ?
Le fait que, parmi tous les bronzes exposés, j'aie choisi une tête d'Apollon, n'était pas un hasard dans la démarche qui m'a conduit à ce questionnement.
Apollon est communément connu comme le Dieu de la beauté dans la mythologie grecque et romaine. Depuis Nietzsche, il est plus que ça : Dieu de l'ordre et de l'harmonie.
Parce que le soleil se lève et se couche par ses soins, il est le garant de l'ordre du monde, du bon fonctionnement de la mécanique céleste. Quoiqu'il arrive, le soleil se lèvera demain matin et se couchera demain soir, certitude rassurante.
Il y a donc dans l'antiquité un lien direct entre "beauté" et "ordre". Ce qui est beau a été ordonné avec soin par une main divine. Ce qui explique que les premiers mathématiciens grecs et romains ont cherché des lois formalisant les proportions de cet ordre équilibré, source de beauté.
En philosophie aussi cette idée laisse des traces. Platon travaillera sur la liaison entre l'Un et le multiple. Une des définitions de la beauté est alors la suivante : la beauté est ce qui donne une unité (l'Un) à un ensemble d'éléments (le multiple), arrangées dans des proportions harmonieuses. Un beau visage, un beau corps, un beau paysage, bâtiment, etc.
Parce que les proportions harmonieuses font naître chez le spectateur un sentiment de beauté et donne à cet ensemble d'éléments une unité, une unicité, dû à ce sentiment de beauté, les proportions harmonieuses et le concept de beauté font partie des clés permettant de résoudre le conflit entre l'Un et le multiple.
L'art de la renaissance italienne, au Quattrocento, renoue avec cette tradition antique de la recherche de la divine proportion, des lois mathématiques fondant un ordonnancement du monde harmonieux. On pense au moine mathématicien Luca Pacioli et à son ouvrage éponyme illustré par Léonard de Vinci.
Léonard de Vinci et Luca Pacioli se connurent à Milan en 1496 à la cour de Ludovic Sforza et s'enfuirent ensemble de Milan en 1499 à l'arrivée des français. Auparavant, autour de 1492, Léonard de Vinci avait conduit des recherches similaires en illustrant les proportions du corps humain selon Vitruve cet architecte romain qui vécut au 1er siècle av. J.-C.
Première esquisse au crayon de couleur - recherche d'une symétrie et d'une harmonie dans les courbes
On pense aussi à Leon Battista Alberti qui côtoya aussi Luca Pacioli en 1471, cette fois-ci à Rome. Alberti, mathématicien, philosophe humaniste, théoricien des arts, architecte, est connu pour avoir formalisé mathématiquement la perspective. Ses conceptions architecturales sont imprégnées d'harmonies et de rapports... Pour continuer avec Alberti et la perspective, je vous invite à visionner ce post-cast de France Culture mis en image sur Daily Motion où Daniel Arasse explique l'évolution de l'usage de la perspective dans l'art de la renaissance.
Daniel Arasse fait le lien entre pouvoir et climat politique d'un part, et composition artistique d'autre part. Il explique que dans un climat politiquement serein, paisible, où le gouvernement a acquis la confiance des gouvernés, la production artistique se singularise par une composition elle aussi, sereine, et basée sur la confiance de l’ordonnancement du monde selon des principes mathématiques.
C'est l'usage bien pensé de la perspective, la composition régie par des règles devant suggérer l'harmonie, soit, le classicisme.
A la renaissance, cette conception de l'art trouvera son apogée au début du 16ème siècle. L'oeuvre la plus représentative est certainement l'école d'Athènes de Raphaël (1508-1512). C'est ce classicisme antique à nouveau retrouvé et maîtrisé qui a fasciné Vasari, qui l'a obsédé toute sa vie et qui l'a fait porter au pinacle Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphael, les meilleurs représentants selon lui, de cette Bella Maniera comme il avait coutume de la définir.
Quelques années après l'Italie est plongée dans la confusion, c'en est fini du classicisme, de la Bella Maniera et l'art italien dérive vers l'Arte della Maniera, ou maniérisme, courant amorcé par Michel-Ange et Raphaël lui-même dans ses dernières années et poursuivi par Pontormo, del Sarto, le Tintoret...
Il faudra attendre le siècle suivant, le 17ème siècle, et des climats politiques plus sereins en France et en Italie pour que le classicisme revienne en vogue plus que jamais, au point, qu'en histoire de l'art, le mot soit devenu la caractéristique du siècle.
Voici pourquoi, de ce point de vue, les œuvres de la fin du Quattrocento et du début du Cinquecento sont très proches de celles du 17ème siècle.